Aider nos enfants à réguler un conflit

Jules a sauté du toboggan trop près de son frère Mattéo et lui a cogné le bras. Le ton monte très vite entre les deux enfants, l’un accusant l’autre de l’avoir fait exprès et l’autre refusant de s’excuser. La petite Rose joue avec le seau vert, sa copine refuse de prendre le seau jaune, c’est le vert qu’elle veut… Face aux conflits de nos enfants, nous sommes parfois un peu démunis et souvent vite fulminants. Un peu d’autorité et un rappel des règles avec un ton ferme suffiront souvent, mais certaines situations nous demandent d’aller plus loin et d’effectuer une sorte de médiation entre les enfants. Voici quelques clés fondées sur ma pratique de maman (depuis 16 ans) et de coach (depuis 10 ans). Et je dois dire que ça marche bien 🙂 !

Se calmer pour les calmer 

Un papa me racontait récemment :« Ce jour-là, je les entendais se disputer depuis l’étage où j’essayais de faire la sieste. Au bout d’un moment, cela m’a tellement énervé que j’ai débarqué comme un fou dans le salon en hurlant à pleins poumons – VOUS ALLEZ VOUS CALMER MAINTENANT !!!!!!!! ». Nous avons tous vécu ces moments pendant lesquels nous ne pouvons plus contenir notre irritation et nous finissons par sortir de nos gonds. Après coup, nous nous en voulons, puis la vie reprend son cours, mais parfois ces épisodes se répètent et plombent peu à peu l’harmonie familiale.

Nous avons besoin de prendre conscience que quand nous hurlons aux enfants de se calmer, nous leur envoyons simultanément deux messages contraires. Notre message oral leur dit :« calmez-vous ! », alors que notre non-verbal (visage cramoisi, regard menaçant, voix tonitruante) leur envoie malgré nous un message opposé qui pourrait – malheureusement – se résumer ainsi : « les enfants, quand quelque chose vous agace au plus haut point, faites comme moi, pétez les plombs ! »

Car dès le plus jeune âge, les enfants apprennent leurs comportements en imitant les nôtres. Les neurosciences nous l’expliquent très bien au travers du fonctionnement des neurones miroirs de nos cerveaux. Un bébé apprend à sourire en imitant le sourire que nous lui faisons, par exemple. Par contre, quand nous sortons de nos gonds de façon répétée,  nous ancrons chez nos enfants le comportement inverse de celui désiré.

Nul n’est tenu à la perfection bien sûr, la moutarde continuera de nous monter au nez, mais apprendre à nous réguler est un enjeu majeur pour l’éducation de nos enfants. Apprenons à chaque fois que nous sommes énervés à ne rien faire (enjeu de sécurité mis à part bien sûr), à s’extraire de la situation,  à rester loin des enfants, à remettre à plus tard un acte éducatif et à commencer par… RE-SPI-RER… RE-SPI-RER… RE-SPI-RER….  pour retrouver un calme inspirant !

Mener l’enquête 

La deuxième clé est de prendre le temps d’investiguer pour vraiment comprendre ce qui s’est passé. Devenons Columbo ou Miss Marple pour cette étape ! Car trop souvent, nous punissons sans avoir pris quelques minutes d’exploration. Attention à la décision injuste ! L’enfant se sentirait incompris et nourrirait du ressentiment ce qui provoquerait plus tard… de nouveaux problèmes ! Cercle vicieux en vue !

Voici donc des points importants à creuser avec des exemples de questionnements à partir de l’exemple de Jules qui a cogné le bras de Mattéo :

L’enchaînement précis des faits Exemple : qu’est ce qui s’est passé, Jules ? (…) Ok, et ensuite ? (…) Et là, qu’est-ce que tu as dit ? (…) Et qu’est-ce qu’il t’a répondu ? Et toi, Mattéo, raconte-moi ce qui s’est passé de ton point de vue ? 

Les vécus et les ressentis de chaque enfantExemple : Et quand il t’a heurté le bras, cela t’a mis en colère, Mattéo, c’est bien cela ?

La façon dont un enfant a pu interpréter les chosesExemple : Et là, Mattéo, tu t’es dit que Jules l’avait fait exprès, c’est bien cela ?

Les véritables intentions de fondExemple : Jules, je te demande de dire les choses honnêtement, tu avais l’intention de faire mal à Mattéo en sautant dans la piscine ?

Avec ces questions posées sans jugement, les enfants vont se sentir écoutés et compris. Vous les aidez à sortir de leurs émotions perturbatrices et à revenir à des dispositions plus constructives. Cette étape apporte déjà beaucoup d’harmonisation dans la situation.

Amener chaque enfant à prendre sa part de responsabilité

C’est le moment maintenant de prendre de la hauteur sur la situation puis de renvoyer chaque enfant à sa part de responsabilité. Elle peut concerner un ou plusieurs enfants selon les situations. L’important dans votre positionnement de fond, c’est de vérifier que vous êtes en train de responsabiliser (« on fait tous des erreurs, l’important c’est d’apprendre de ces erreurs ») et pas de culpabiliser (« c’est toi le fautif, tu es méchant ! »).

Continuons avec Jules et de Mattéo. L’exploration a fait ressortir que Jules avait bien heurté le bras de Mattéo en sautant dans la piscine, mais qu’il ne l’avait pas fait exprès. C’est un cas dans lequel un seul enfant a une part de responsabilité, voici ce que pourrait donner le dialogue :

Le papa (calme, au niveau de l’enfant, les yeux dans les yeux) : Jules, tu sais, c’est très imprudent de sauter du toboggan sans vérifier que le champ est libre. Je vois que tu ne l’as pas fait exprès, maintenant, tu as heurté le bras de Mattéo et cela lui a fait mal. Tu vois ?    

Jules (penaud, le regard un peu fuyant) : ….

Le papa : regarde-moi, Jules, tu comprends que cela a fait mal à Mattéo ? 

Jules (regardant enfin le papa) : oui 

Le papa (sans culpabilisation, en faisant appel à la capacité de l’enfant à trouver ses propres réponses) : Que peux-tu faire pour que cela ne se reproduise plus ?

Jules : je ne sais pas…

Le papa (persévérant tout en se régulant car il commence à chauffer un peu) : réfléchis un peu, comment éviter la prochaine fois que tu sautes d’un toboggan de faire mal à quelqu’un ? 

Jules : il faut que je regarde avant de sauter

Le papa (valorisant puis responsabilisant à nouveau) : Oui, c’est très bien cela. Tu vas bien veiller à ce qu’il y ait suffisamment d’espace avec les autres enfants autour de toi. Ok, je compte sur toi ?

Jules : Oui.

Le papa : Ok, c’est super ça. Maintenant, qu’est-ce que tu dois faire pour réparer vis à vis de Mattéo ? Parce que même si tu ne l’as pas fait exprès, lui, il a eu mal, tu sais. 

Jules : Je dois m’excuser ?

Le papa : Oui, c’est tout à fait cela (se tournant vers Mattéo) Jules va faire attention maintenant.

Jules : Pardon, Mattéo, je ne voulais pas te faire mal.


Une médiation enfantine prend un petit peu plus de temps à court-terme que ruer dans les brancards – quoi que ? – mais rapidement, que de temps gagné ! De situation en situation, les enfants apprennent à sortir du jugement, à rechercher la justesse, à discerner les responsabilités, à trouver des solutions… Ils deviennent capables au fil du temps de s’auto-réguler. Vous leur transmettez des compétences essentielles de la vie en société. Vous contribuez à une nouvelle génération de petits artisans de paix en herbe !

On se demande souvent devant les violences de notre monde comment agir à son niveau, voilà une belle contribution de “colibri”.

Je vous souhaite de bonnes expérimentations et serais ravie de lire vos aventures dans les commentaires !

 

Crédits photos : le manège du jardin d’Acclimatation (Mathieu Horn) – le portrait de Columbo alias Peter Falke (NBC / SIPA) – le portrait de Miss Marple (Wikipédia) – l’arc en ciel normand (Emmanuelle Horn)

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